En toile de sac
Huile et collage sur bois,1964 - (114x109 cm)
Les natures mortes ont toujours été un sujet de prédilection pour Antoni Clavé. En Espagne avant 1939, à Paris dès son arrivée après la débâcle de l’armée républicaine. Si les influences se suivent (surréaliste, postimpressioniste, classique avec des hommages à Zurbaran…) le thème perdure au point de rencontrer les préoccupations premières de l’artiste. À partir de 1957, Clavé utilise des morceaux de tapis dénichés au marché aux puces comme supports de ses peintures. Il choisit tour à tour de les recouvrir totalement ou bien au contraire de laisser quelque partie en réserve qui sera pleinement intégrée à la composition picturale. Le thème de la nature morte devient alors un prétexte. Dépassement de la figuration, l’assemblage des différents éléments constitutifs du sujet représenté finissent par former un poisson ou une coupe de fruits dans la rétine du spectateur.
En toile de sac date de 1964. Clavé pousse son travail sur les natures mortes à son paroxysme puisque le support devient sujet. L’œuvre est en réalité beaucoup plus que la fin d’un cycle, elle est charnière vers son travail sur les noirs et l’épreuve de la nuit.
« Un grand peintre joue les profondeurs contre les surfaces. La nuit ne va pas seulement servir à Clavé pour exorciser l’excès de couleurs, substituer aux sonorités le silence, mais pour approfondir sa réflexion dans le sens d’une plus grande austérité, d’une plus lucide intériorité. (…) Clavé a compris à quel point la fiction naturaliste est un leurre sauf pour qui lui attribue un maximum de vérité, choisit le réel comme prétexte à constats, et lui insuffle un sens. » (P. Cabanne)