Étrange instrument – Focus 19

Papiers déchirés, gaufrés, juxtaposés, cordes, ficelles et clous, par l’adhérence des motifs et des matières dans le carborundum, l’assemblage est un procédé que Clavé utilise dans son œuvre gravé comme dans son œuvre sculpté. Le carborundum et les gaufrages produisent des effets de matière, des reliefs et permettent ainsi aux gravures de Clavé de dépasser la stricte bi-dimensionnalité. « Instruments » au sens premier du terme, elles sont des objets fabriqués au service de l’amateur d’art.

En 1978, dans un entretien consacré à son exposition au Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, Clavé explique à Alain Mousseigne l’origine de ses « Instruments de musique » :  « À cause d’une commande que je considérais d’ailleurs comme une corvée, mais que je ne pouvais refuser, celle-ci venant d’un éditeur pour lequel je travaillais régulièrement. Il m’avait demandé une gravure avec un sujet « la Musique » car il préparait une expo d’ensemble sur ce thème… Je ne savais vraiment pas quoi faire jusqu’au jour où je suis tombé nez à nez devant cette cithare… Je l’avais depuis vingt-cinq ans au moins, mais je ne la voyais plus, car elle faisait partie de tout ce bordel que j’ai à l’atelier. C’est parti de là.  C’est en faisant la plaque qui devait servir pour le gaufrage de cette gravure que j’ai eu l’envie de continuer… […] Certains « objets » commencés en 1962 étaient restés en suspens. Je les ai transformés en « Instruments » en 1977. Cela m’a passionné à tel point que j’en ai fait toute une série. »[1]

L’humilité de Clavé ferait presque oublier l’acte créateur jubilatoire qui fait de lui le descendant d’Orphée, ce héros charmeur d’animaux, vainqueur des sirènes, qui parvenait à émouvoir les êtres inanimés. Car enfin c’est bien de cela qu’il s’agit quand Clavé crée ses variations musicales, objets-lyres en trois dimensions ou gravures au carborundum.

 

[1] Entretien avec Antoni Clavé « En marge de la peinture », édition Prasca, 1978, p. 50