L’homme au gant – Focus 20

En 1971 plusieurs expositions ont commémoré le 500e anniversaire de naissance d’Albrecht Dürer, premier grand artiste allemand de l’histoire, peintre et graveur incarnant la Renaissance autant que Raphaël, Léonard ou Michel-Ange. En plus de sa peinture, ses gravures sur bois et sur cuivre lui ont valu une renommée mondiale de son vivant et ce n’est pas un hasard qu’il ait joué un rôle déterminant dans l’univers artistique de Clavé.

© Museo del Prado

Plusieurs « gravures-hommages » datent de 1971. L’Homme au gant représente un personnage de profil tourné vers la droite. L’hommage à Dürer se voit bien sûr à la lecture du célèbre monogramme AD que Dürer utilisait en peinture comme en gravure et que Clavé place dans le coin supérieur droit. Pourtant la composition entière de la gravure, le profil découpé sur fond noir à gauche et blanc à droite, l’œil rehaussé ainsi que le gant gaufré à l’angle inférieur droit, portent à penser à un hommage à un tableau particulier : l’autoportrait de 1498 conservé au musée du Prado. Erwin Panofsky a expliqué dès 1943 en quoi ce portrait a pu constituer un défi pour le monde de l’époque puisque Dürer s’y représente en « homo liberalis atque humanus », en « gentilhuomo ». Clavé reprend donc la composition générale en la limitant à l’essentiel : le regard aiguisé de l’artiste, sa silhouette se découpant sur l’ombre autant que sur la lumière, son gant de cuir fin l’apparentant à la haute société ainsi que son monogramme.   C’est encore ce monogramme auquel Clavé consacre la même année deux gravures pour lesquelles on connaît plusieurs variations chromatiques. Cette fois l’hommage est on ne peut plus synthétique. Le D est surmonté du A. Les deux lettres ainsi disposées ne laissent aucun doute et font depuis longtemps partie de la culture visuelle occidentale. Clavé graveur honore ainsi avec concision et sobriété Le maître de la gravure en n’oubliant cependant pas d’ajouter une (voire deux) empreinte(s) de main, instrument de création par excellence.

L’Œuvre de Clavé est jalonné de références aux maîtres du passé : le Gréco, Rembrandt, Goya. Ce n’est sans doute pas un hasard qu’il se soit penché sur leurs portraits. Notons que cette réflexion de Clavé perdure tout au long de sa vie puisqu’en 1998 c’est à Botticelli qu’il rend hommage avec une série d’huiles sur toiles inspirées du Portrait d’un inconnu tenant une médaille de Cosme l’Ancien (c. 1474 ; Galerie des Offices, Florence).

© Galleria degli Uffizi

Clavé – Étude pour « l’homme à la médaille » 1996