Reliquaire (1962) – Focus 22

Buste reliquaire de Saint Lucien XIIe-XIIIe s. © Musée départemental de l’Oise, Beauvais

La fête des morts a lieu le 2 novembre et succède ainsi à la fête de la Toussaint. Le calendrier sera donc un prétexte pour aborder cette sculpture de Clavé.

Atypique, c’est aussi une des rares œuvres de Clavé dont le titre se réfère à la religion.

Les reliquaires sont des objets contenant des restes de corps des saints ou des objets leur ayant appartenu et qui font (ou ont fait) l’objet d’un culte. Ils ont une fonction de récepteur de la présence miraculeuse des saints. Les reliquaires se multiplient au Moyen-Age dans l’Europe christianisée. Depuis lors et jusqu’à aujourd’hui ils peuvent se présenter sous une multitude de formes : châsses (boites ou coffrets), objets liturgiques, statuettes creusées ou surplombant une niche abritant la relique que l’on peut apercevoir (bustes reliquaires), bijoux, etc… et de toutes les tailles puisqu’ils peuvent aussi bien être supports de dévotion collectifs que privés. L’art des reliquaires transcende et sublime la mort.

Buste reliquaire de Sainte Agnès vers 1560-1580 © MNAC, Barcelone

 

 

L’art de Clavé n’a jamais été religieux. Cependant la culture artistique occidentale fut très longtemps chrétienne (rappelons qu’il était inscrit aux cours du soir de l’Ecole des Beaux-Arts de Barcelone). De même le christianisme est traditionnellement important en Espagne et il ne fait aucun doute qu’il a vu des reliquaires tels que peut en conserver le Musée National d’Art Catalan et qui est illustré ici. Dans ces deux cas l’objet se présente sous la forme d’un buste de bois sculpté et peint à la base duquel une niche a été aménagée afin de recevoir une relique.

Reliquaire Teke (avant 1964) © Musée du Quai Branly, Paris

 

Le phénomène ne s’observe pas uniquement dans les sociétés chrétiennes. Quel que soit le rapport à l’image des différentes religions, les croyants ont eu besoin de supports dans leurs aspirations spirituelles et dans leur lien à leurs disparus. Parmi les très riches collections du musée du Quai Branly, ce reliquaire Teke (population d’Afrique centrale partagée entre l’ouest de la République démocratique du Congo, le sud de la République du Congo et le sud-est du Gabon) qui appartint à Michel Leiris. Là encore il s’agit d’une représentation anthropomorphe dans laquelle une niche a été creusée afin de recevoir un objet magique recevant une dévotion. Ces trois objets religieux aujourd’hui conservés dans des musées sont vides de leurs contenus et ne sont plus non plus liés aux lieux ni aux rituels pour lesquels ils ont été créés. Vides, désacralisés, ils ont perdu leur fonction.

Vide et à première vue inutile, c’est tout justement le cas du reliquaire de Clavé.

De dimensions modestes (20 x 12 x 10 cm), lui aussi est une sculpture anthropomorphe : un visage est clairement reconnaissable dans la partie supérieure et une tige métallique servant de cou le relie à un réceptacle qui fait office de buste. Les proportions ont radicalement changé par rapport aux supports de foi pré-cités: sculpture bipartite, la niche est aussi grande que le visage. Ici c’est bien la béance qui est donnée à voir. Négation d’un quelconque pouvoir de restes humains ? Négation d’une quelconque sainteté ? Rejet d’une forme de religiosité populaire pouvant s’apparenter à de la superstition ?

Reliquaire sans relique, ce petit objet de bronze interroge le spectateur ou l’accompagne dans ses réflexions philosophiques et ses croyances personnelles.