D’après Rembrandt – Focus 16

A Barcelone, en 1965, Antoni Clavé s’initie à l’eau-forte sur les conseils de son ami Vila-Casas peintre graveur catalan. Il grave sur cuivre et sur zinc et s’initie de manière concomitante à l’aquatinte.

L’eau-forte et l’aquatinte sont des procédés de gravure dite de taille indirecte : le métal est attaqué par de l’acide et non par des outils comme dans la « taille douce » ou gravure en creux. L’une et l’autre diffèrent par les outils utilisés mais procèdent du même principe : la plaque métallique est d’abord recouverte d’un vernis protecteur sur lequel l’artiste dessine à la pointe, découvrant ainsi le métal. La plaque est ensuite arrosée d’acide (eau-forte) qui mordra donc la plaque dans les zones qui ont été dénudées. L’image est donc « creusée » à l’aide de l’acide. La gravure à l’acide est utilisée par les artistes à partir du XVIe siècle (Lucas de Leyde mais surtout Jacques Callot) et fut pratiquée par de nombreux peintres à compter du XVIIe siècle. Parmi les plus illustres peintres graveurs, Rembrandt a réalisé environ trois cents estampes. Il a réussi à exploiter merveilleusement les multiples possibilités qu’offre l’eau-forte et a durablement influencé les grands maîtres de la gravure que furent Goya, Delacroix, Degas ou encore Picasso.

Rembrandt « L’Artiste dessinant d’après le modèle » vers 1639 ; Eau-forte, pointe sèche et burin © BnF

Clavé est logiquement lui aussi fasciné par Rembrandt et lui rend hommage à plusieurs reprises. En 1966, Clavé reprend un thème rare dans le répertoire rembranesque : le nu féminin (une dizaine de gravures au total) et élimine pratiquement les autres objets de la composition initiale pour mettre en valeur ce corps féminin vu de dos dont il accentue les courbes. Clavé n’élimine pas que les objets, il « efface » (en réalité il recouvre) le sujet gravé par Rembrandt qui donnait son titre à l’œuvre : L’Artiste dessinant d’après son modèle.

Il travaille ses noirs tout en subtilité et cherche à améliorer sa gravure en en proposant plusieurs états, ce qui est rare chez lui. En effet ils sont plutôt pour lui des étapes qui ne sont pas tirées au delà d’une ou deux épreuves appelées assez justement épreuves d’essai par l’artiste lui même. Elles lui permettent de vérifier qu’il est sur la bonne direction artistique. C’est ici le cas. En brouillant les pistes de lecture, il s’efface pour rendre hommage au maître hollandais désormais incarné par « le modèle ». Plus qu’une dédicace, c’est en quelque sorte une déclaration d’amour.