En 1986, Antoni Clavé se rend pour la deuxième fois au Japon où sont organisées des expositions de son travail à Tokyo, Osaka et Hakone. Comme lors de son premier voyage en 1972, ce pays le fascine : il est entré de plein fouet dans une modernité qui fait rêver l’Europe des années 1980. Malgré l’agressivité des néons, le brouhaha étourdissant de la ville et l’architecture futuriste, le Japon traditionnel a encore sa place. La calligraphie, l’Ukiyo-e ou encore l’usage si graphique des sceaux sont autant de chocs esthétiques qui vont nourrir durablement l’imaginaire de Clavé. Sur place il n’exécute aucun croquis mais prend des photos et fait des films en super 8, autant d’outils de collecte d’éléments dont il peut disposer une fois rentré en France. Pierre Cabane écrit « Clavé a traversé le prisme de l’Extrême-Orient comme Alice le miroir ; de l’autre côté il y avait, dans « la peinture du monde qui passe », une préhension de la vie et du temps, un message poétique exprimé par une sorte d’énergie rythmée dont la calligraphie détermine l’espace et nourrit la sève ». À son retour Antoni Clavé laisse libre cours à son inspiration et ses créations sont regroupées sous le titre Retour du Japon. Il y associe l’encre de Chine à ses pratiques fétiches que sont l’huile sur toile et le collage de différents papiers.
C’est tout l’espace du tableau qui se trouve métamorphosé par le choc esthétique de l’approche extrême orientale de l’espace. Les collages de Clavé deviennent géométriques, construits, architecturés. Autre élément caractéristique de cette série, les empreintes de son nom faites avec un ou plusieurs sceaux japonais (hankos) dont il se plait à couvrir à la fois ses papiers ou cartons collés et ses toiles. L’encrage, l’application des sceaux et les positionnements des empreintes obtenues forment un art à part entière en Extrême-Orient auquel Clavé rend hommage en s’appropriant l’utilisation de ces empreintes-signatures.
Tel un invité en Extrême Orient, Clavé appréhende les pleins et les vides, le silence, le visible et l’invisible, l’ouverture d’un nouveau champ des possibles, transmutant ainsi en véritable alchimiste, les apports occidentaux et extrême-orientaux en trésors picturaux.